La pierre est l’axe de mon œuvre depuis le début de ma carrière.
Plus je la découvre, plus elle se révèle une source inépuisable d’inspiration. Taillée au ciseau, cassée à la masse, elle devient complice de mes émotions et de mes sentiments; abandonnée aux intempéries et aux fantaisies de la nature, elle offre un relief à contempler et à exploiter. Alliée à divers matériaux, elle interroge, insinue.
J’ai l’impression d’être en complicité avec cette matière à la fois capricieuse et pleine de promesses.
Faire dire à la pierre ce qu’elle n’a pas dit encore…
Marie Hélène Allain
tiré des cahiers (non daté)
Q. La pierre a été votre matériau de choix pendant plus de quarante ans. Qu’est-ce qui vous a attiré dès le début vers la pierre au lieu d’utiliser d’autres matières, et pourquoi la pierre qui continue-t-elle à retenir votre intérêt encore aujourd’hui?
R. Aux Beaux-Arts, j’ai découvert tardivement l’atelier de sculpture de pierre, situé à l’extérieur de l’Ecole; c’était juste au moment où je devais choisir une concentration en sculpture. Dans ma surprise d’apprendre qu’un tel atelier existait à notre École, la curiosité et l’intérêt m’y conduisent dès la même journée. Et je me souviens d’avoir dit : «Je m’inscris à ce cours car je suis sure que je vais aimer ça.» J’avais déjà fais de la taille directe dans le plâtre et le procédé m’avait plu.
Je n’oublierai jamais la joie que j’ai ressentie en réalisant ma première sculpture en pierre. J’avais une double raison : plus je travaillais cette matière, plus je découvrais sa complexité, sa beauté, et en plus, j’ai eu la surprise de vivre l’expérience de ce qu’était «créer», pour la première fois. C’était comme si une partie de moi avait été projetée dans cette pièce!
Plus tard, lors d’une exposition de nos travaux, on m’a fait remarquer que mes autres sculptures en bois et en terre cuite étaient peut-être aussi parlantes que celles en pierre, mais que je m’exprimais d’une façon plus concise et claire avec la pierre; en effet, l’évidence était palpable. La pierre m’empêchait de trop dire; dès le début, j’avais constaté qu’elle me résistait, contrairement aux autres matériaux. Le processus de la taille directe autant que la dureté du matériau, me donnaient le temps de réfléchir avant d’agir, de me concentrer et de garder l’essentiel. Bref, j’avais trouvé là le matériau approprié à mon caractère lent et rêveur mais aussi, persévérant et déterminé.
À mesure que l’expérience grandissait, je prenais conscience de la diversité des pierres selon leur provenance, les conditions dans lesquelles elles avaient été formées, etc., ce qui m’amenait à réfléchir à l’histoire et aux mystères que chacune pouvait porter.
La pierre ne finit pas de se laisser découvrir et ne finit pas moins de me fasciner et de m’inspirer. Le Créateur qui nous a façonnés du limon de notre terre, semble nous avoir créés insatisfaits et nous avoir transmis son besoin de créer, à notre tour. J’ai des fois l’impression d’être une sorte de poupée russe qui continue le processus…
Réponse de Marie Hélène Allain à la question de Terry Graff
en préparation pour l’exposition rétrospective 2011
La pierre a des millions d’années. On sait que c’est porteur de vie. Il y a eu une vie animale et végétale et peut-être même une vie humaine dans cette pierre. Elle a été témoin d’amour, de joie et de haine. Il y a des personnes qui ont marché dessus. C’est vivant la pierre. On croit que la pierre ne vit pas mais elle change continuellement, elle bouge.
Marie Hélène Allain
citée dans «Je tombe en amour avec la pierre de plus en plus», article de Caroline Pelletier, Acadie Nouvelle, 13-19 juin 1997