Telle une forêt, la nouvelle exposition-installation Secrets de Varnes de l’artiste Marie-Hélène Allain rend hommage aux 400 ans d’histoire du peuple acadien.
Trente-cinq nouvelles sculptures assemblées forment cette installation qui sera exposée au Festival des arts visuels en Atlantique à Caraquet à compter du 30 juin. Le vernissage se tiendra le 1er juillet. À cette occasion, le Festival rendra hommage à l’artiste de Sainte-Marie-de-Kent et à ses 35 années de création artistique. Marie-Hélène Allain est une artiste peu commune en Acadie; sa démarche est souvent intuitive, émotive et ses œuvres qui sont des assemblages de plusieurs matériaux sont porteuses de symboles. Elle travaille avec conviction et tente d’explorer à chaque fois de nouvelles avenues.
«Toute ma vie, j’ai essayé de réaliser des choses qui venaient de moi autant que possible et pas juste empruntées aux autres», déclare en entrevue Marie-Hélène Allain.
Elle a travaillé pendant deux années et demie à sa nouvelle exposition et elle a dû apprendre beaucoup de nouvelles techniques. Ses sculptures sont des assemblages de pierre, de vergne ou aulne aussi appelée «varne» en Acadie, de bronze et de cuivre. L’idée de cette installation lui est venue il y a environ quatre ans, à l’époque où les gens ont commencé à parler du 400e anniversaire de l’Acadie et du 250e anniversaire de commémoration de la Déportation en 2005. Elle s’est réveillée un matin et elle avait cette exposition dans la tête. Elle voyait une forêt et des varnes. Elle a créé l’installation de façon à ce que les visiteurs aient l’impression d’entrer dans une forêt. Entre les pièces assemblées, il y aura un étroit passage assez large pour laisser circuler une personne.
Mais pourquoi donc la varne? Cet arbre est à peu près l’équivalent du pissenlit sur les parterres. Personne n’en veut et pourtant ce sont des espèces pionnières. Lorsqu’une terre est abandonnée, c’est le premier arbre qui pousse. De plus, les Amérindiens à l’époque de l’arrivée des premiers Blancs en Amérique s’en servaient beaucoup pour ses vertus médicinales. C’est un arbre qui contribue à préparer la terre pour les autres espèces à venir. Il est résistant et très difficile à chasser. Plus on le coupe, plus il repousse. Ainsi, Marie-Hélène Allain a voulu faire un parallèle avec l’histoire des Acadiens, un peuple qui a résisté à plusieurs bouleversements dans son histoire.
«J’ai assez entendu mon père disputer après les varnes toute sa vie et quand je lui ai dit que je faisais une exposition avec des varnes, il m’a dit: “Quoi? des varnes!” et bien je lui ai répondu: “Penses-y sérieusement, est-ce que tu ne trouves pas que c’est une image qui reflète bien l’histoire et la résistance des Acadiens? On a été pourchassé et en même temps, nous sommes des pionniers et nous continuons à nous tenir debout”», raconte Marie-Hélène Allain.
Tous les matériaux qu’elle a choisis pour cette exposition ont une signification particulière. Le bronze symbolise la durée et la pierre évoque la terre-mère. Treize des 35 pièces sont des sculptures autonomes, semblables mais non identiques. Chacune d’elles est composée d’un tronc d’arbre planté dans une base de pierre brute. En haut du tronc, une sorte d’excroissance, une forme abstraite coulée en bronze, représente l’expression ou le symbole de la qualité inscrite au pied de l’arbre. Marie-Hélène Allain a demandé à 13 personnes engagées dans la société acadienne de nommer une caractéristique déterminante du peuple acadien ayant contribué à sa survie et à son épanouissement. Ces caractéristiques seront inscrites au pied de l’arbre.
Les 22 autres pièces consistent en des troncs d’arbres plantés dans la pierre. Des étiquettes vierges en cuivre seront attachées aux arbres.
«C’est facile de graver dessus avec un stylo alors je vais poser la même question sur les caractéristiques du peuple acadien aux gens qui visiteront l’exposition. Ceux qui le voudront pourront graver cette qualité sur les étiquettes et elles seront accrochées dans des branches des varnes», explique Marie-Hélène Allain.
Les pièces de son installation peuvent aller jusqu’à huit pieds de hauteur. Après la tenue du FAVA, l’exposition sera transportée dans une autre salle à Caraquet où elle sera exposée pour quelques semaines. En 2005, la Galerie Owens de l’Université à Sackville accueillera l’exposition de Mme Allain pour tout l’été. «Je suis très très contente, elle va être autant parlante en 2005 qu’en 2004 parce que c’est le 250e anniversaire de commémoration de la dispersion des Acadiens», ajoute Marie-Hélène Allain.
La dernière exposition solo de Marie-Hélène Allain Une pierre pour toi a voyagé au Nouveau-Brunswick et au Québec. Marie-Hélène Allain a participé à une quarantaine d’expositions de groupe et a présenté une trentaine d’expositions solo, depuis le début des années 1970. Plusieurs de ses œuvres font partie de collections publiques.
Sylvie Mousseau
L’Acadie Nouvelle du 26 juin au 2 juillet 2004